Collectif le Revers de la médaille

Collectif le Revers de la médaille

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Au printemps 2023, les premières expulsions massives de lieux de vie (campements, squats, bidonvilles) avaient lieu en Seine-Saint-Denis, à proximité immédiate des futurs sites olympiques. Concentrées à la fois dans le temps et dans un périmètre géographique restreint, ces opérations mettent en alerte les associations qui accompagnent au quotidien les personnes précarisées sur le terrain. Au même moment, le dispositif de SAS régionaux est mis en place, annoncé pour durer jusque fin 2024.

Interpellée, la Préfecture de la région Île-de-France tarde à répondre, et finira par recevoir les associations en juin 2023, sans donner de réponse satisfaisante à leurs préoccupations.

Par la suite, différentes coordinations inter-associatives révèlent l’état d’impréparation et le manque d’anticipation des pouvoirs publics sur l’impact social de l’organisation des JOP 2024 sur les personnes les plus précaires. De nombreuses études et observations documentent pourtant les comportements des villes hôtes lors de toutes les éditions précédentes et confirment le risque de renforcement de la grande exclusion si aucune mesure d’envergure n’est prise par les organisateur·ices.

Le collectif Le revers de la médaille se constitue alors au cours du mois de septembre 2023, autour de la publication d’une lettre ouverte, signée de 70 organisations et d’une première action d’interpellation.

Dans la nuit du 29 octobre 2023 à Aubervilliers, la façade du siège du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP) était illuminée d’un message projeté au laser « Paris 2024 : Le Revers de la Médaille ». C’est par cette action que notre collectif inter-associatif s’est fait connaître publiquement.

À ce jour, le collectif rassemble plus de 100 organisations, associations et fédérations qui agissent auprès des personnes en grande précarité : personnes sans-abri, exilées, usagères de drogue, habitantes de lieux de vie informels (campements, squats, bidonvilles), travailleur·euses du sexe, victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation dans le commerce du sexe ; et animent des dispositifs d’aide alimentaire, d’accès au soin, de prévention et réduction des risques, d’accès aux droits, d’accompagnement social, etc.

Pourquoi luttez-vous contre les JO ?

Nos cris d’alerte ont pour but d’interpeller les pouvoirs publics et d’informer largement au sujet d’un « nettoyage social » à l’encontre des populations les plus précarisées (personnes à la rue, en habitats précaires ou dépendant de l’espace public pour vivre et travailler), causé par l’organisation des JOP et risquant de s’intensifier à l’approche de ce méga-événement sportif au retentissement planétaire.
Par « nettoyage social », nous entendons le fait d’harceler, d’expulser et d’invisibiliser les populations catégorisées par les pouvoirs publics comme indésirables des lieux où se tiendront les JOP, et plus globalement des villes hôtes, ainsi que cela s’est produit dans de nombreuses autres villes les ayant accueillis ces dernières décennies, sans pour autant leur proposer une mise à l’abri pérenne.

Quelles observations faites-vous de l’organisation des J.O. sur les publics les plus précaires ?

Le nettoyage social repose sur un double mouvement de dispersion : disperser dans l’espace public pour éviter les installations d’habitats informels qui seraient trop visibles et éloigner de l’agglomération parisienne les personnes très précaires qui peuvent avoir une occupation quotidienne de l’espace public ou être hébergées dans des structures hôtelières.

Alors que ces logiques d’action publique sont à l’œuvre depuis plusieurs années, plusieurs indicateurs nous laissent penser que les JOP agissent comme un accélérateur de ces dispersions et éloignements. De ce point de vue, ils représentent un effet d’opportunité pour accroître et renforcer les processus d’invisibilisation des plus précaires de la capitale et de sa région.

Observez-vous sur le terrain une augmentation de la répression envers les publics précaires ?

Durant la période 2023-2024, l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels a recensé 138 expulsions en Île-de-France, parmi lesquelles 64 expulsions de bidonvilles, 34 expulsions de regroupements de tentes (exclusivement sur Paris et Aubervilliers), 33 expulsions de squats, ainsi que 7 expulsions de personnes voyageuses. À titre de comparaison, 121 expulsions avaient été recensées sur la période 2021-2022, et 122 en 2022-2023. Ces expulsions ont concerné 12 545 personnes, une augmentation de 38,5 % par rapport à la période 2021-2022. Parmi ces personnes, 3 434 étaient mineures, soit deux fois plus que l’an dernier, et presque trois fois plus qu’en 2021-2023.

À quelques semaines des J.O. des propositions vous ont-elles été faites afin que vous puissiez exercer vos missions ?

Au vu de la promesse affichée pour des Jeux "plus responsables, inclusifs, paritaires et spectaculaires que jamais", d’une édition "pour plus d’inclusion" guidée par l’ambition d’assurer "l’héritage social", nous espérions que cette édition soit différente des précédentes et avons longtemps fait de nombreuses propositions en ce sens. Aujourd’hui, faute d’engagement concret du COJOP et des pouvoirs publics, et face à l’intensification du nettoyage social, nous pouvons affirmer que Paris 2024 ne sera pas différente des éditions précédentes et sera véritablement un accélérateur d’exclusion des plus précaires.

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